mercredi 2 août 2017

Critique de Dunkerque

*tic tac tic tac* J'ai plus de fioul mais je pue la classe *tic tac tic tac*


On attend toujours que quelqu’un vienne bousculer les codes du Cinéma comme le fait Christopher Nolan depuis notre passage au 21ème siècle.

Prenons pour exemple sa trilogie Dark Knight, sorte de mix improbable entre un monde réaliste et l’histoire d’un mec torturé se déguisant en chauve-souris pour combattre le crime jusqu’à en devenir un symbole à l’épreuve du temps. Avez-vous vu meilleur film de super-héros depuis ? Moi non plus.
Ou encore Le Prestige et Inception, deux OVNIS qui redéfinissaient les lois du thriller, leur donnant des terrains de jeu inédits tels que la prestidigitation ou le subconscient, tout en s’amusant avec la temporalité narrative.
Une composante une nouvelle fois primordiale, cette fois alliée à l’espace et à la gravité dans son film le plus bouleversant à ce jour, Interstellar . Oeuvre abyssale qui nous confrontait à nos peurs, nos espoirs et surtout à nos limites en tant qu’êtres éphémères.

Vous l’aurez compris, le temps se détache clairement comme étant la thématique N°1 de Nolan, celle qui définit son cinéma depuis Memento, comme l’enfance définit celui de Spielberg ou la dualité spirituelle celui de Scorsese.
Une obsession qui rend le nouvel opus du réalisateur anglais, une fois encore, unique en son genre. Pourquoi ?

Dunkerque, 1940,

400.000 soldats Alliés sont acculés sur les plages françaises, encerclés par l’armée allemande, avec seulement quelques jours pour s’échapper.
Une fois n’est pas coutume dans un film de guerre, il ne s’agit pas de combattre l’ennemi mais bien de survivre, désespérément.

A la différence des derniers films du genre – prenons le brillant Tu Ne Tueras Point - Dunkerque n’use jamais de plans gores sur des corps réduits en charpie pour nous faire vivre l’horreur de la guerre, ou plutôt la terreur qu’elle suscite, puisque l’accent est mis sur les forces abstraites (vous ne verrez pas un seul visage nazi) qui menacent de dévorer la vie de ces hommes somme toute ordinaires.

Ici, les moments de sinistre silence sont brisés par de tonitruantes vagues sonores provoquées par des coups de feu, des bombardements ou encore les hurlements des avions de chasse fonçant sur leurs proies.
Le sound design est à ce titre épatant (mais assourdissant en salle IMAX, soyez avertis), bien appuyé par un Hans Zimmer une nouvelle fois très en forme et dont la partition joue un rôle crucial dans le fait de rendre l’œuvre si intense et frénétique.
Ainsi, jamais les bruitages et la musique n’auront fait corps de telle façon. Tant et si bien qu’il est souvent difficile de distinguer les réels contours de cette bande originale qui démarre sur le tic-tac d’une montre, impitoyable fil rouge agrémenté de rengaines rappelant par instants les envolées horrifiques des Dents de la Mer.

Mais quelque part entre le son et la fureur, Dunkerque dégage parfois un calme presque contemplatif puisque les dialogues disséminés sur 106 minutes de métrage tiennent en une poignée de post-it. 
Un parti pris audacieux qui mène à un certain dépouillement de l’intrigue mais surtout de ses personnages, réduits au sentiment de détresse/d’urgence générale qui les caractérise.

Et c’est certainement là que l’œuvre va le plus diviser son public, car aucun soldat ne nous abreuve ici d’histoire sur sa vie de tous les jours, sa femme qui l’attend au pays  ou encore son rêve qu’il ne manquerait pas de réaliser s’il parvenait à rejoindre son foyer.
De plus, aucun discours destiné à réveiller les dernières forces des troupes sur fond de musique épique n’est à déplorer.

Non, il y a juste de jeunes hommes tâchant de survivre, c’est pratiquement tout ce que vous aurez sous la dent et, selon Nolan, tout ce que vous aurez besoin de savoir.
En vérité, même si la peur pour leur sort n’est jamais réellement entravée par un quelconque manque de développement, votre blogueur aurait apprécié avoir un point d’ancrage plus solide pour l’un ou l’autre personnage (au hasard : le pilote d’avion ou l’un des civils?), permettant d’avoir une attache émotionnelle plus conséquente. 
D'autant que le cinéaste a déjà prouvé auparavant qu’il était capable de marier tension et émotion avec brio.

Qu’importe, de tension pur jus il sera donc question et c’est là que la notion de temps entre en jeu;  un paramètre dont manquent cruellement nos soldats coincés à Dunkerque.

Les événements nous sont montrés selon trois perspectives – la jetée, la mer, l’air- chacune se déroulant respectivement à une cadence différente : une semaine, un jour, une heure.
Au fil du temps, les divers destins des jeunes fantassins (avec un surprenant Harry Styles), des marins civils venant à leur rescousse (parmi lesquels navigue un Mark Rylance touchant) et des pilotes de chasse veillant sur eux (menés par l’hyper charismatique Tom Hardy) se raccordent petit à petit avec maîtrise.
Une légère confusion étant possible pour le spectateur cherchant son dernier grain de pop-corn au fond du paquet.
Ce montage alterné, comme Christopher Nolan les affectionne tant, créé un crescendo d’anxiété et de pression grimpant au fur et à mesure que les différentes intrigues progressent et se heurtent. Le tout donnant au film des allures de bombe à retardement.

Une bombe dans tous les sens du terme d’ailleurs, Dunkerque étant visuellement à tomber: une vraie œuvre d’art filmée (pour les ¾) en IMAX où le réalisme transpire par tous les pores de l’écran, qu’il s’agisse de vaisseaux d’époque restaurés – mention spéciale aux magnifiques plans aériens- ou de la photographie très organique et sublimée par la pellicule du réalisateur qui refuse en bloc le numérique, tout est pensé pour notre immersion la plus totale.
Il s’agit sans doute là du film le plus solide et précis de son auteur en terme de mise en scène pure et dure.

De sorte qu’une chose devient vite claire depuis notre fauteuil de cinéma : nous sommes nous aussi piégés dans les serres de l’Aigle et Dunkerque devient un purgatoire pour les échoués et leur commandant (comment ai-je pu oublier le magistral Kenneth Brannagh !?). 
La patrie est presque visible au-delà de La Manche et pourtant l’Enfer est encore plus proche. Les hommes s’en vont par bateau pour mieux être refoulés par la houle quelques instants plus tard, comme prisonniers de ce purgatoire gris-ardoise, brumeux, en apparence déconnecté de l’espace-temps.

En conclusion, Christopher Nolan surprend une fois de plus ; ne nous racontant pas une histoire menant à la victoire mais bien à une cinglante retraite, il nous fait vivre à travers le regard d’un casting impeccable et de son compositeur de génie, non seulement l’impact écrasant des forces guerrières jadis en présence mais aussi et surtout la puissance que peuvent revêtir de modestes actes de bravoure, avec pudeur et sans traditionnel carton-épilogue nous racontant le devenir d’untel avec sa femme et ses gosses après la guerre (merci !).
Manque juste à l’appel un solide lien émotionnel pouvant véritablement bouleverser mais, après tout, être totalement bluffé ce n’est déjà pas si courant.



Note :  9 /10





Conseillé...
Déconseillé...

    - Aux amateurs de films de guerre (il faut aimer ça un minimum, en effet).

    - Aux fans de Christopher Nolan, le style y est.

    - A ceux qui attendent un film à voir absolument sur grand écran en ce second semestre 2017.

      - Aux curieux.


    - A ceux qui ne se reconnaissent pas du tout dans le cadre de gauche.