mercredi 12 août 2015

Critique du Petit Prince


"S'il vous plaît, dessine moi un mouton."
*Quand le mystère est trop impressionnant, on n'ose pas désobéir*


Comment ne pas être intrigué par ce projet atypique qu’est l’adaptation du Petit Prince ? Best-seller parmi les best-sellers, le chef-d’œuvre mondialement reconnu d’Antoine de Saint-Exupéry a longtemps fait partie de ces romans inadaptables en véritable long-métrage. 
Mais c’était sans compter sur la ténacité de l’équipe française d’Onyx Film qui aura mis pas moins de 9 ans à adapter cette fable universelle, une composante temporelle étroitement liée aux difficultés à rassembler le budget et les idées nécessaires à la mise sur pied d’un film d’1h46, finalement réalisé par le talentueux cinéaste Mark Osborne (Kung Fu Panda).

C’est donc sous un angle tout neuf que Le Petit Prince est abordé ici puisqu’il s’agit d’une histoire dans une histoire…celle d’une petite fille dont le quotidien est dirigé par une mère obsédée par la perfection, voulant faire de son rejeton une personne parfaitement parfaite, menaçant sans même s’en rendre compte ce qu’il y a de plus fondateur dans une vie : l’enfance.
Cependant, la rencontre de son nouveau voisin, un vieil aviateur excentrique, viendra chambouler le quotidien de cette gamine qui, au fond, ne demande qu'à rêver.

Et c'est là que les scénaristes se permettent une astucieuse mise en abyme puisque le vieux bonhomme n'est autre que la représentation animée de Saint-Exupéry,  son rôle étant de faire découvrir à l'enfant l'histoire du Petit Prince et de l'emporter dans son monde fait de rêve et de poésie, l'éloignant ainsi de ce monde d'adultes d'une austérité anxiogène.

A l'écran, la différence entre réel et imaginaire s'étend jusqu'à l'utilisation de deux techniques d'animations complètement différentes; ainsi, Le Petit Prince nous est narré sous forme d'un conte en « papier mâché », dont le rendu sublime doit tout à la fascinante technique de la stop motion qui rend pleinement justice au formidable roman adapté ici.
Le corps du film, lui, prend vie sous forme d'images de synthèse plus classiques qui, sans être mémorables, demeurent efficaces. Ne perdons pas de vue que, si un budget de 60 millions de dollars paraît colossal pour une production franco-américaine, c'est tout de même trois fois moins que le dernier Pixar !
Il convient dès lors de se demander si Mark Osborne n'aurait pas dû optimiser l’utilisation de son budget en prenant la voie du long-métrage en 2D, entrecoupé de ces magnifiques phases en « papier maché », pour un résultat peut-être plus homogène en terme de qualités visuelles, qui sait… mais il faut (hélas ?) toujours composer avec les impératifs des studios qui se doivent de nourrir nos chères têtes blondes aux technologies dernier cri.

Quoi qu'il en soit, la magie opère pendant les deux premiers tiers du film, les thématiques liées au refus d'oublier la candeur de l'enfance ne révolutionneront certes pas le Cinéma mais sont abordées avec justesse et émotion, bien aidées par un casting vocal en grande forme (mention spéciale à André Dussollier) et un rythme agréable, Mark Osborne se permettant de distiller dans son récit quelques touches d'humour qui raviront à la fois petits et grands.

Le dernier tiers du film a par contre de quoi laisser songeur, voire perplexe; jouant la carte du risque narratif, le metteur en scène se détourne du récit originel pour nous proposer une suite aux aventures du Petit Prince, une fin de parcours audacieuse qui ne manquera certainement pas de fâcher les puristes mais qui aura au moins le mérite de pousser un peu plus loin encore les questions abordées par le conte dans sa version papier (mâché ou non) et font finalement de cette oeuvre un objet personnel, avec une interprétation propre à son réalisateur (made in Hollywood), qui prend une tournure d'aventure à l'américaine un poil trop mainstream sans cependant piétiner toute la poésie initiée par « Saint-Ex » puisqu'il s'agit au contraire de la faire revivre dans le coeur de chacun.

Bref, Le Petit Prince est un très bon film d'animation. On ne saura jamais s'il aurait reçu l’approbation de son mystérieux auteur-aviateur mais on en ressort avec le sourire et le sentiment que le pari (osé) est globalement réussi. 

Un aspect visuel plus léché ainsi qu'une fin moins proche des standards hollywoodiens aurait certainement permis à Mark Osborne de tenir là son chef-d'oeuvre mais ce voyage pétri de nobles intentions fait tout de même mouche et l'enfant en nous se prend à rêver d'un monde arraché à sa tristesse par la puissance créatrice de l'imagination et le refus catégorique d'entrer dans des cases toutes faites, des cases devenues...des cages.

Note : 8/10


Conseillé...
Déconseillé...

     - Aux petits et aux grands (enfants :).

     - Aux amateurs d'animation en stop motion.
  


- Aux puristes hardcore.

     - A ceux qui ne voient bien qu'avec les yeux... ;)




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